Technologie et cinéma : une histoire d'immersion

Du 5 octobre 2016 au 29 janvier 2017, la Cinémathèque française présente l'exposition De Méliès à la 3D, la Machine Cinéma. L'histoire de la technique dans le cinéma y est retracée, avec nombre d'appareils et de machines à l'appui.

De tous les Arts, le cinéma est sans conteste le plus technique. Sa mise en œuvre fait appel à des compétences en optique, chimie, mécanique, et depuis l'ère du numérique, en électronique et informatique. Il n'en faut pas moins pour parvenir à écrire le mouvement, sens originel du Cinématographe, dont le cinéma est devenu l'abréviation.

 

L'exposition De Méliès à la 3D, la Machine Cinéma, met donc à l'honneur les machines, anciennes et modernes, permettant de fabriquer un film.

 

Un film, ce récit fictionnel ou documentaire, le spectateur doit avoir l'impression de le vivre. Son immersion au cœur du récit a toujours été recherchée par les cinéastes. Les évolutions successives des techniques ont permis d'aller de plus en plus loin dans l'immersion. C'est ce parcours chronologique des techniques que propose de revivre l'exposition.

L'histoire du cinéma par le prisme de la technique

 

En 1895, les premières « images animées » du Cinématographe des Frère Lumière voient le jour. Grâce à cette machine, le mouvement est enregistré et projeté, dépassant les capacités de la photographie. La retranscription du mouvement est telle que le public assistant à l'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat croit véritablement que le train fonce sur lui. L'immersion dans le récit est déjà là.

 

Les avancées techniques en matière de son, avec des appareils tels le phonographe, le gramophone, puis les haut-parleurs et microphones, rendent possible en 1927 les films parlants. Cette année là Le Chanteur de Jazz est un succès phénoménal : enfin les acteurs nous parlent.

 

Les films ressemblent davantage au monde réel avec l'arrivée de la caméra Technicolor en 1932. Le noir et blanc cède la place aux couleurs, comme dans ce plan du Magicien d'Oz (1939) où l'héroïne découvre le fantastique pays d'Oz, aux couleurs éclatantes.

 

L'immersion peut encore être renforcée en emmenant le spectateur au plus près de l'intrigue. Les caméras légères, portables et maniables de la Nouvelle Vague, ou le Steadicam, permettent des plans au plus près des acteurs. Ces caméras collent réellement avec l'action qu'elles filment : dans un film de boxe comme Raging Bull (1980), le spectateur est immédiatement transporté sur le ring.

 

La 3D crée une autre forme de proximité avec la sensation de relief. Là aussi, nous semblons au plus proche des éléments filmés. Avatar en 2009 nous a ainsi transportés sur la planète Pandora, dans une expérience totalement immersive et sensitive.

 

L'exposition se termine avec un court-métrage d'animation sur l'histoire du cinéma, et non plus sur l'histoire de la technique, mais racontée avec l'accessoire le plus high-tech du moment : le casque de réalité virtuelle. Ainsi équipé, le visiteur découvre un film à 360°, qu'il explore en bougeant la tête et en regardant dans différentes directions. Déjà présente dans les jeux vidéos, cette technologie permet de découvrir un univers complet à 360°, mais aussi d'interagir avec lui. Avec ce dispositif les possibilités d'immersion sont encore repoussées.

Ingénieurs et cinéastes main dans la main

 

L'exposition retrace donc les évolutions techniques clés qui ont modifié les formes du cinéma. Mais elle s'interroge peu en chemin sur les interactions entre ingénieurs, techniciens, et cinéastes. Est-ce le désir des cinéastes d'immerger le spectateur dans leur récit qui pousse les ingénieurs à inventer de nouvelles machines ? La technique arrive-t-elle la première et les cinéastes se l'approprient-elle pour servir leur art ensuite ?

 

On peut regretter que l'exposition mette de côté ces questions. Il se cache pourtant un appareil, parmi tous ceux présentés, qui apporte un élément de réponse et une illustration des collaborations possibles.

Pour les besoins du film Océans (2009) de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, une torpille hydrodynamique unique baptisée Jonas a été conçue. Sa caméra embarquée devait permettre des prises de vues sous-marines inédites, accompagnant étroitement l'avancement de bancs de poissons près de la surface. Un véritable challenge technique, pour lequel les cinéastes ont œuvré de concert avec des ingénieurs et techniciens de l'entreprise BMTI (qui travaille habituellement avec la Marine), avant de tester l'appareil dans les bassins d'essais de la Direction Générale des Armées.

 

Une collaboration inattendue et fructueuse, au service d'une nouvelle expérience d'immersion dans un documentaire. Dans l'exposition, Jonas est accompagnée d'un extrait du making-of du film, dans lequel les deux réalisateurs expliquent qu' « on n'invente pas un nouvel outil juste pour inventer un outil. […] Faire une image nouvelle d'une espèce déjà connue, c'est en quelque sorte la redécouvrir. ». Le spectateur éprouve la sensation de nager avec les dauphins, et ce faisant il les voit comme jamais auparavant. Ce sentiment de proximité est un excellent vecteur pour le message sur la cause environnementale et la protection des océans.

 

Au delà des aspects purement esthétiques ou divertissants, la technique améliore l'immersion dans une œuvre cinématographique. En nous rendant, nous spectateurs, plus proches de ce qui est filmé, la technique renforce le message véhiculé par l'œuvre et son impact. Nous éprouvons plus d'empathie et nous sentons davantage concernés. L'exposition La Machine Cinéma peut ainsi s’appréhender comme une porte d'entrée vers ces réflexions.

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